Foetus de veau en triperie (abattoir de Limoges) / Photo L214 Ethique et animaux

 

Conduire une vache gestante à l’abattoir, est-ce légal ?

 

En 2016, l’association L214 diffusait une vidéo de l’abattoir de Limoges mettant en lumière l’abattage de vaches dont certaines étaient gestantes. Cet abattage est non réglementé à l’heure actuelle. Ce n’est que le transport de femelles gestantes qui fait l’objet d’une réglementation européenne aujourd’hui. En effet, le règlement (CE) n°1/2005 relatif à la protection des animaux pendant le transport prévoit l’interdiction de transporter une femelle gestante au-delà de 90% de sa gestation, soit environ 8 mois pour l’espèce bovine. Le règlement (CE) n°1099/2009 relatif à la protection des animaux au moment de leur mise à mort n’aborde pas la situation des femelles gestantes. Conséquence : si, par manque de contrôle, une femelle en état de gestation avancée est transportée jusqu’à un abattoir, elle devra dans tous les cas y être abattue.

En 2015, plusieurs pays de l’Union Européenne (Allemagne, Danemark, Pays-Bas et Suède) ont établi une requête pour un avis scientifique de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) sur l’abattage de femelles gestantes. 

La question de la sensibilité du fœtus

L’EFSA a étudié la question de la souffrance éprouvée par un fœtus au moment de l’abattage d’une femelle gestante. Les experts s’accordent pour estimer que, durant les deux premiers tiers de la gestation, les fœtus d’animaux n’éprouvaient pas de douleur, de souffrance ou de détresse car les structures anatomiques et neurologiques concernées ne se développent qu’au cours du dernier tiers de la gestation. Par contre, la question n’est pas tranchée pour la sensibilité du fœtus durant le dernier tiers de gestation. Dans le doute, il faudrait considérer que le fœtus peut ressentir de la douleur dès le 7ème mois de sa vie fœtale… 

Combien de vaches gestantes sont abattues en France et en Europe ?

Selon l’avis de l’EFSA, 16% des vaches laitières et 11% des vaches allaitantes seraient abattues gestantes. En moyenne 3 % des vaches laitières, 1,5 % des vaches allaitantes, 0,5 % des truies, 0,8 % des brebis et 0,2 % des chèvres dans l’UE seraient abattus au cours du dernier tiers de la gestation. Les experts n’ont pas pu estimer les chiffres pour les juments en raison du manque d’informations disponibles.

Pourquoi des vaches sont abattues gestantes ?

Le rapport de l’EFSA identifie diverses raisons pouvant expliquer que des femelles gestantes soient abattues. Dans certains cas, les éleveurs ignorent la gestation de leur animal, par manque de suivi du troupeau (élevage extensif en plein air) ou erreur de diagnostic de gestation. Dans d’autres cas, il arrive aussi que les femelles soient envoyées à l’abattoir alors que l’éleveur est pleinement conscient de leur état de gestation. Les motivations peuvent être économiques (nécessité financière de vendre des animaux), pratiques (les femelles à l’engraissement seraient plus calmes lorsqu’elles seraient gestantes) ou sanitaires (la femelle gestante est malade ou affectée par une maladie qui pourrait se propager à d’autres animaux).

Des avancées réglementaires ?

À la suite du scandale médiatique en 2016, une proposition de loi n°4589, relative à la protection des animaux était déposée à l’Assemblée Nationale en mars 2017 par le député Jean-Luc Laurent. Cette proposition de loi, qui a finalement été rejetée, indiquait dans son article 3 l’interdiction de l’abattage d’une « femelle en gestation ayant dépassé 30 % de la période de gestation ». 

Au Parlement Européen, la députée française Mireille d’Ornano déposait en 2017 une proposition de résolution conformément à l’article 133 du règlement sur l’encadrement de l’abattage des vaches en gestation. Elle demandait de proposer aux États membres d’interdire l’abattage des vaches dont la gestation dépasserait le 6ème mois.  

En mars 2018, dans le cadre des États Généraux de l’Alimentation ; le député Loïc Dombreval déposait un amendement proposant que les femelles gravides ayant dépassé le tiers de leur gestation ne soient pas « aptes à être transportées ». Cet amendement a malheureusement été rejeté.

La France devrait pourtant prendre l’exemple sur son voisin, l’Allemagne, qui a interdit l’abattage des vaches au cours de leur dernier tiers de gestation en 2017…

En attendant une évolution réglementaire qui s’impose, des mesures devraient être mises en place par les professionnels des filières pour réduire le nombre de femelles abattues gestantes en France : sensibiliser les différents acteurs à la problématique, généraliser les diagnostics de gestation avant le transport pour l’abattoir (mais qui prendrait en charge les frais ?), instaurer une traçabilité des fœtus en abattoir pour appliquer des avertissements voire des sanctions, à l’instar de l’Allemagne, en cas de présence de femelles gestantes de plus de 6 mois…

Enfin, tant que ce problème éthique perdure, il conviendrait d’accorder un traitement spécifique aux femelles arrivant à l’abattoir en état de gestation avancé, bien que cela ne soit pas autorisé. Par exemple, l’OIE recommande de laisser le fœtus dans l’utérus fermé jusqu’à sa mort, et de ne pas l’en sortir, pour limiter les potentielles souffrances.