Capture d’écran de la vidéo “Tauromaquia” présentée lors du colloque du COVAC

CORRIDA

Colloque anti-corrida : Quand la science dénonce la "tradition"

L’OABA a récemment assisté au colloque du Collectif des Vétérinaires pour l’Abolition de la Corrida (COVAC), un événement riche en enseignements qui a permis de faire le point sur la réalité de la tauromachie, ses implications éthiques et scientifiques, ainsi que les avancées de la lutte pour son abolition. Devant un public engagé, vétérinaires, psychiatres, juristes et parlementaires ont unanimement dénoncé cette pratique d’un autre âge.

La voix des vétérinaires contre la souffrance animale

Créé pour contrebalancer l’influence des collectifs pro-taurins, le COVAC rassemble aujourd’hui plus de 2800 vétérinaires (dont ceux de l’OABA). Comme l’a souligné le Professeur Jean-François Courreau, co-fondateur du collectif, leur objectif est clair : démontrer l’implication des vétérinaires face à la maltraitance caractérisée que représente la corrida, en s’appuyant sur une analyse objective et scientifique.

Une pratique ancienne, mais pas intouchable

Le Dr Jean-Paul Richier, psychiatre et membre du COVAC, a rappelé l’histoire paradoxale de la corrida en France. Apparue en 1853, peu après la création de la SPA, elle a longtemps bénéficié d’une tolérance administrative à partir du début du XXe siècle avant d’obtenir une immunité pénale par la loi de 1951. Malgré son ancrage dans certaines régions, la corrida est intrinsèquement une pratique de sévices graves, où 6 taureaux sont tués par spectacle.

La corrida en chiffres et en perspectives internationales

Chaque année, plus de 800 taureaux sont tués publiquement dans les arènes françaises, et de nombreux animaux sont aussi torturés et meurent lors des entrainements sans que les chiffres ne soient publiés. Si ces chiffres sont bien sûr inférieurs à d’autres formes de maltraitance animale (abattage sans étourdissement, élevage industriel, …), la corrida revêt une symbolique cruciale : elle représente la souffrance et la mort infligées pour le « plaisir ».

Cependant, l’espoir est permis. La Colombie, pays de forte tradition espagnole, a adopté une loi d’abolition de la corrida, avec une période de transition jusqu’en 2027. Au Mexique, premier pays taurin en termes démographiques, la ville de Mexico a interdit l’utilisation d’instruments blessant les taureaux, par un vote quasi-unanime. L’Amérique latine se montre ainsi plus progressiste que la France sur cette question.

Extraits du colloque : vidéo à voir et à partager (à regarder sur Youtube en raison d’une restriction d’âge, ou ici sur Facebook)

L’horreur des “tercios” : une torture méthodique

La vidéo présentée lors du colloque a mis en lumière la réalité insoutenable de la corrida, décomposée en trois phases (“tercios”) :

* Tercio de Pique : Le taureau, déjà stressé et affaibli, est blessé profondément par le picador. Les chevaux, les yeux bandés et les oreilles bouchées, sont eux-mêmes exposés à des blessures extrêmes, malgré quelques protections.

* Tercio de Banderilles : Des banderilles aux pointes acérées sont plantées dans le dos du taureau, exacerbant sa douleur et son agressivité, “nourrissant” ainsi le spectacle.

* Tercio de Mort : Le matador tente de porter le coup fatal avec une épée de 90 cm. Dans 80 % des cas, l’estocade est mal placée, entraînant une agonie prolongée du taureau, marquée par des hémorragies internes, des crachats de sang et une souffrance indescriptible. Les tentatives pour achever l’animal à l’aide d’une épée spéciale (“descabello”) et/ou d’un poignard (“puntilla”) sont souvent ratées, laissant le taureau tétraplégique mais en pleine conscience, avant d’être traîné hors de l’arène, parfois encore vivant.

La science de la douleur : les bovins sont des êtres sensibles

Le Dr Manon Lhomme, vétérinaire rurale, a fermement rappelé que les bovins possèdent des nocicepteurs, démontrant leur capacité à percevoir la douleur. Cette perception de la douleur est similaire à celle de l’Homme, bien que son expression soit différente. Les taureaux, animaux de proie, ne crient que rarement, mais montrent leur souffrance par des yeux fermés, un faciès tiré, et une respiration rapide. L’idée que les endorphines supprimeraient la douleur a été réfutée : elles ne font qu’augmenter le seuil de tolérance, sans empêcher la nécessité d’anesthésiques lors d’actes vétérinaires douloureux.

Le Dr Laurent Etienne, du COVAC, a précisé les sévices infligés : le taureau perd 3 à 7 litres de sang (soit 8 à 18 % de son volume sanguin), subissant des lésions nerveuses, musculaires voire osseuses considérables. Le but est de le fatiguer et de le rendre agressif par la douleur et l’épuisement.

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Capture d’écran du film “Tauromaquia” présenté lors du colloque

La psychologie derrière la corrida : entre dissonance cognitive et accoutumance à la violence

Le Dr Jean-Paul Richier a abordé la psychologie des aficionados, y voyant une possible fascination pour la cruauté et une pulsion destructrice. Pour justifier leur position, les amateurs de corrida mettent en œuvre des mécanismes de dissonance cognitive, modifiant leur perception pour concilier des sentiments contradictoires. L’invocation d’une “tradition locale ininterrompue”, la dimension esthétique de la mise en scène, ou l’effet de groupe contribuent à maintenir cette pratique.

Les répercussions psychologiques sur les mineurs sont particulièrement préoccupantes. Exposés à la violence et à la souffrance animale dès le plus jeune âge, ils peuvent développer une accoutumance à la violence et une abrasion de l’empathie, avec des témoignages de traumatismes durables.

L’Ordre, les subventions et les verrous politiques

Le Dr Fanny Casali, vétérinaire et professeure, a souligné la position claire de l’Ordre des Vétérinaires : la corrida est incompatible avec le respect du bien-être animal. Pourtant, des vétérinaires pro-taurins continuent de diffuser de fausses informations. Elle a également mis en évidence que la suppression de la corrida n’impacterait pas la filière d’élevage.

Nicolas Bureau, juriste de la LFDA, a rappelé que la corrida est interdite par le Code pénal pour “sévices graves” ou actes de cruauté, mais bénéficie de dérogations dans une dizaine de départements français au motif d’une « tradition locale ininterrompue ». De plus, les élevages taurins continuent de bénéficier de subventions publiques via la PAC, un non-sens dénoncé par les associations.

Le Sénateur Arnaud Bazin et l’ancien député Loïc Dombreval, tous deux vétérinaires, ont expliqué les blocages politiques qui empêchent l’abolition. Les propositions de loi parlementaires sont facilement torpillées par des manœuvres dilatoires, et le gouvernement, “l’éléphant dans la pièce”, n’a jusqu’à présent pas soutenu la cause des anti-corridas. La difficulté pour certains de reconnaître qu’une pratique tolérée pendant des décennies est en fait inacceptable est également un frein.

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Présentation des départements taurins et ex-départements taurins lors du colloque – Photo OABA

L’espoir persiste : mobilisation et persévérance

Malgré le pronostic pessimiste de certains, le Dr Laurent Etienne a rappelé que de nombreuses “mauvaises” traditions ont été abolies par le passé. L’importance de mobiliser les candidats avant les élections pour connaître leur positionnement sur la corrida a été soulignée.

Le colloque a démontré, une fois de plus, la nécessité de poursuivre le combat. L’OABA continuera de batailler aux côtés du COVAC et de toutes les associations pour faire valoir la voix de la science et de l’éthique, et obtenir l’abolition de cette pratique barbare.

N’hésitez pas à partager cet article pour informer et sensibiliser autour de vous sur la réalité de la corrida.

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