La saisie d’animaux maltraités concerne surtout des élevages paysans mais aussi de larges cheptels : en janvier 2022, 800 moutons avaient été retirés à leur propriétaire dans l’Yonne. © Shutterstock – Stasis Photo – photo d’illustration
Absence de soins, délabrement des abris… Les animaux de ferme sont aussi victimes de maltraitance, souvent en lien avec un appauvrissement des éleveurs. Des associations, telles que l’OABA, leur viennent alors en aide, mais manquent de moyens.
Article de Daria Golib paru dans le magazine 30 millions d’amis (mai 2022)
Début mars, sur son site, l’OABA (Oeuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs) tirait la sonnette d’alarme : en trois mois, l’association a saisi près de 1 400 animaux d’élevage maltraités, chiffre qui dépasse les saisies réalisées sur la totalité de l’année dernière. Créée dans les années 1960 pour venir en aide aux animaux dans les abattoirs, l’OABA intervient principalement pour sortir les bêtes de ferme d’une situation de maltraitance. Si l’association alerte dès le premier trimestre de cette année, la multiplication des saisies n’est pas un phénomène nouveau : en 2020, un triste record avait déjà été battu avec 1 800 animaux enlevés à des éleveurs maltraitants.
Livrés à eux-mêmes
Cette augmentation va de pair avec une précarisation des agriculteurs. Exit l’image de l’éleveur sadique, qui prend plaisir à frapper vaches et cochons. « Misères humaine et animale sont intimement liées, il y a rarement une maltraitance voulue », affirme Audrey Groensteen, responsable de la communication de l’association. Acculé par des problèmes financiers et personnels, l’éleveur en vient à délaisser ses animaux. L’eau croupit dans les abreuvoirs, le foin pourrit, les bêtes malades ne sont pas soignées, les bâtiments de ferme plus entretenus… Amaigris, déshydratés, malades, les animaux sont livrés à eux-mêmes et le défaut de soins s’apparente à de la maltraitance. Si la situation ne change pas malgré des demandes d’amélioration, les bêtes, en danger, sont alors saisies.
L’OABA ne décide pas seule de la saisie des animaux. Lors de l’opération déclenchée par la justice, elle est toujours accompagnée par les services vétérinaires de la Direction départementale de la protection des populations (DDPP) et les gendarmes. Il arrive qu’il y ait aussi sur place des assistants sociaux ou du personnel hospitalier pour prendre en charge l’éleveur, qui peut être très affecté par le retrait de ses bêtes. Les interventions concernent principalement des élevages paysans, très peu industriels. Elle peut cependant être confrontée à de larges cheptels : en janvier 2022, 800 moutons avaient été retirés à leur propriétaire dans l’Yonne.
Les animaux saisis sont confiés à l’association, même s’ils restent la propriété de leur éleveur, le temps que la justice tranche. Mais cet hébergement provisoire peut durer une année ou deux. Pendant ce temps, l’OABA prend en charge la nourriture, l’hébergement et les soins prodigués. Mis à part le transport, qui est en partie remboursé par l’Etat, dans certaines situations, l’association assume seule financièrement les animaux. « Les trois quarts de notre budget y passent », rappelle Audrey Groensteen. La décision de justice peut prévoir une indemnité à verser à l’OABA mais cela arrive rarement et « on ne compte pas vraiment dessus car, dans de nombreux cas, les éleveurs sont insolvables », poursuit la chargée de communication.
Le Troupeau du Bonheur
Si, dans la semaine qui suit la saisie, l’éleveur peut décider de vendre son cheptel, neuf fois sur dix c’est l’OABA qui en devient propriétaire. Deux solutions sont alors envisageables. Soit l’association confie les animaux à des éleveurs qui ont sa confiance, et ceux-ci reviennent alors dans le circuit d’élevage ; soit les animaux sont placés dans le Troupeau du Bonheur, un ensemble de 40 fermes partenaires, jusqu’à la fin de leur vie. Là-bas, détaille Audrey Groensteen, « pas de reproduction ni de lactation, ils jouissent d’une retraite méritée et ne sont pas envoyés à l’abattoir ». Plus de 440 animaux s’y trouvent actuellement. Mais si ce cadre est idyllique, il ne peut pas accueillir tous les animaux saisis car le coût pour entretenir les terrains, indemniser les éleveurs partenaires et payer les soins vétérinaires deviendrait trop important… « Une vache peut vivre vingt ans, avec un entretien quotidien qu’on estime à 2 euros. Parfois, on fait face à un cheptel de 350 bovins. La somme finale serait énorme ! », s’alarme l’OABA.
Promesse non tenue
C’est parce que les moyens financiers manquent et donc les places pour accueillir les bêtes maltraitées que l’OABA a lancé son cri d’alerte. Dès le premier trimestre, elle va devoir réduire drastiquement sa participation aux saisies décidées par la justice. Mais que vont devenir les animaux ? « Si les services vétérinaires n’ont pas de solution de placement, les bêtes sont laissées dans des conditions déplorables ou alors il faut réaliser un abattage massif. Jusqu’à présent, on arrive à faire face aux demandes, mais on est de plus en plus confrontés à des cas où l’intervention n’est pas possible », déplore Audrey Groensteen.
Mis en place durant la crise sanitaire, le plan de relance du gouvernement est venu en aide aux refuges qui accueillent des animaux de compagnie en leur versant 15 millions d’euros (et 15 autres l’année d’après). Il était prévu qu’une telle aide viendrait soutenir les animaux de ferme mais l’enveloppe tarde à venir. « Nous avons alerté le gouvernement à plusieurs reprises, avec la Fondation Brigitte Bardot. Il y a une carence de responsabilité de l’Etat sur ce sujet, ainsi qu’un total désengagement financier. Julien Denormandie (le ministre de l’Agriculture, Ndlr) a promis de nous accompagner de manière exceptionnelle mais il n’y a toujours rien dans nos caisses, malgré plusieurs relances », s’inquiète l’OABA.
En plus de moyens financiers, l’association demande à l’Etat de mettre en place des structures pérennes pour accueillir les animaux de ferme. Pour prévenir la paupérisation des agriculteurs, qui reste la cause principale de leur mal-être menant parfois à la maltraitance des bêtes, l’OABA a soutenu l’ouverture des cellules départementales opérationnelles. Elle demande un renforcement de ces structures, qu’elle juge, pour l’heure, peu efficaces…
Que faire devant un animal de ferme maltraité ?
Avant d’agir, il faut analyser la situation : l’animal est-il en danger immédiat ? Possède-t-il un abri ? A-t-il accès à de la nourriture et à de l’eau ? Si ce n’est pas le cas, est-ce de manière répétitive ? Il est conseillé de s’entretenir avec le propriétaire pour avoir plus de données sur l’état de ses bêtes. Si les doutes persistent, il est possible de contacter plusieurs acteurs : les services vétérinaires de la DDPP, les gendarmes, le maire de la commune ou une association de protection animale. Vous trouverez sur les sites de l’OABA et Welfarm des informations permettant de jauger la présence ou non de maltraitance.
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