Vers quels œufs s’orienter si l’on s’intéresse au bien-être animal ? Analyse du code des œufs, des différents modes d’élevages et allégations marketing.
Si un certain nombre de consommateurs a pris l’habitude de faire attention aux informations qui se trouvent sur les boîtes d’œufs, nombreux sont ceux qui ignorent encore comment les interpréter. Pourtant, ces suites de chiffres et de lettres sont associées à de grands enjeux de bien-être animal. Pour rappel, les œufs sont les seuls produits d’origine animale pour lesquels il est obligatoire de préciser le mode d’élevage des animaux par le biais d’un code inscrit sur la coquille.
L’origine de ce fameux code
Dans les années 70, l’OABA dénonçait déjà les « œufs de souffrance » provenant de poules élevées en batterie. L’association s’était alliée à la LFDA (Fondation Droit Animal Éthique et Sciences) et avait rejoint des associations de consommateurs au sein de la Coalition contre l’élevage en batterie pour réclamer un étiquetage du mode d’élevage des poules sur les boîtes d’œufs. L’objectif était d’informer le consommateur afin de lui offrir la possibilité de rejeter les œufs issus de poules élevées en cage.
Après plusieurs années de bataille vaine en France, la Coalition portait l’affaire au niveau européen. Jusqu’alors interdite, la mention du mode d’élevage des poules sur les emballages fut finalement autorisée par la Communauté économique européenne en 1985. Ce n’est qu’en 2004 que cette mention devint obligatoire dans toute l’Union européenne et fut retranscrite par le biais d’un code inscrit sur la coquille des œufs [1].
Il convient de savoir déchiffrer ce code pour orienter ses achats et soutenir de meilleures pratiques d’élevage. La série de chiffres et de lettres permet de renseigner le mode d’élevage des poules, le pays de ponte ainsi que l’identifiant de l’élevage.
Ce code doit également être inscrit sur la boîte d’œufs, mais il est souvent plus rapide de le trouver directement sur l’œuf. Le 1er chiffre du code indique si le mode d’élevage de la poule pondeuse est bio (0), plein air (1), au sol (2) ou en cage (3).
Les différents modes d’élevages des poules
Code 3 – élevage en cage : Les poules sont logées en cage, par groupe de 20 à 60 congénères, dans des bâtiments sans lumière naturelle. Ces cages sont aménagées avec des « enrichissements » (perchoirs au ras du sol, dispositifs de raccourcissement des griffes etc.) loin de répondre aux besoins physiologiques et comportementaux des animaux. La taille moyenne de ces exploitations est de 86 000 poules [2] …
Code 2 – élevage au sol : L’élevage au sol offre la possibilité aux poules de se déplacer librement à l’intérieur du bâtiment d’élevage. Ce dernier est aménagé avec des plateformes et des perchoirs permettant aux animaux de se jucher à différentes hauteurs, ce que les poules apprécient grandement. Les systèmes au sol représentent une amélioration majeure de la qualité de vie des poules. Néanmoins, même s’ils sont qualifiés d’alternatifs, ces systèmes d’élevage ne permettent pas de satisfaire les besoins physiologiques et comportementaux des animaux. La moyenne des animaux en production par exploitation est de 18 000 poules [2].
Code 1 – élevage en plein air : Les poules sont élevées dans un bâtiment au sol qui donne accès à un parcours extérieur. Si l’accès au plein air représente une réelle avancée pour le bien-être des poules, ce dernier est souvent pauvre en enrichissements et végétation, ce qui le rend peu attractif pour les poules. De par leur statut de proie, rares sont celles qui s’aventurent à plus de quelques mètres du bâtiment.
Dans l’optique de mieux valoriser cet espace en plein air, le Label Rouge impose que le parcours extérieur soit organisé pour favoriser le séjour des poules à l’extérieur. Il doit être recouvert de végétation, fournissant ainsi aux poules un milieu de vie enrichi et des espaces ombragés. Le Label Rouge limite également le nombre d’animaux par bâtiment à 6 000.
Code 0 – élevage biologique : Les poules sont nourries avec des aliments bio. Elles sont élevées dans un bâtiment d’élevage au sol proposant une surface de perchage augmentée, une densité réduite et un accès à un parcours extérieur. Ce dernier doit être attrayant et couvert en majeure partie de végétation. En moyenne, une exploitation bio compte 6 000 poules pondeuses [2].
Les cahiers des charges du Label Rouge et plus particulièrement de l’Agriculture biologique ont des exigences supplémentaires qui permettent également l’amélioration des conditions d’élevage des poussins et des jeunes poules.
Une boîte d’œufs qui croule sous les allégations
Le code relatif au mode d’élevage est accompagné de nombreuses autres informations pouvant figurer sur l’emballage des boîtes d’œufs. Réglementées ou non, elles peuvent être sources de confusion pour le consommateur :
– Œufs de France : cette mention garantit que les œufs ont été pondus en France, par des poules nées et élevées en France. Ce logo n’est pas associé à une amélioration des conditions d’élevage des animaux par rapport à celles imposées par l’Union européenne.
– Bleu-Blanc-Cœur : marque privée apposée sur des produits engagés dans une charte d’amélioration des qualités nutritionnelles de l’alimentation. Cette dernière ne contient pas de point spécifique aux conditions de vie des animaux d’élevage et n’est, de ce fait, pas associée à une amélioration du niveau de bien-être des animaux.
– « Engagement bien-être animal » : mention non associée à un cahier des charges, qui peut être apposée sur des boîtes d’œufs de code 2. Méfiance donc car cette mention est clairement issue d’une stratégie marketing qui vise à valoriser des œufs des poules dont les conditions d’élevage ne permettent pourtant pas de répondre aux besoins des animaux.
– « Éleveur engagé« , « bonnes pratiques d’élevage » : allégations ne garantissant pas un engagement en faveur du bien-être animal et qui peuvent même être inscrites sur des boîtes d’œufs code 3 …
– « Ramassés à la fraîcheur du matin » : affirmation pouvant laisser penser au consommateur que les œufs sont ramassés à la main, pourtant seuls les œufs qualifiés de « fermiers » doivent être ramassés à la main. Pour les autres, les œufs sont convoyés automatiquement via un tapis.
De même, les photos de poules sur un sol en terre battue ou d’œufs dans la paille ne sont la garantie ni d’un mode d’élevage alternatif ni d’un accès au plein air. Avec les boîtes d’œufs, les sections marketing s’en donnent à cœur joie pour séduire le consommateur, quitte à frôler la pratique commerciale trompeuse.
Pour éviter la confusion, il faut se fier au code sur les œufs.
Le rôle du consommateur
Le consommateur est un acteur primordial de la transformation du marché des produits animaux et son rôle s’est plus qu’illustré au regard de l’évolution de la filière pondeuse. En effet, pour répondre à la demande sociétale, les distributeurs se sont engagés dans les années à venir à ne plus commercialiser d’œufs code 3. Ainsi, le nombre de poules élevées en cage se réduit d’année en année en France (23% de poules en batterie début 2023 contre 57% il y a à peine 5 ans [3] !).
Si le lien entre poule et œuf semble logique pour le consommateur, il l’est beaucoup moins entre poule et produits élaborés à base d’œufs (ovoproduits). Nombreux sont ceux qui oublient, quand ils achètent des pâtes, de la mayonnaise, des crèmes dessert et gâteaux, qu’il faudrait aussi qu’ils se renseignent sur les conditions de vie des poules qui ont produit les œufs utilisés. Certaines enseignes et entreprises agro-alimentaires ont l’ambition de ne plus utiliser d’œufs de batterie dans leurs ovoproduits, mais ces engagements sont plutôt timides. Ainsi, en 2022, encore 46% des œufs incorporés dans les ovoproduits étaient de code 3 [4]. Le mouvement contre les œufs de batterie s’est également propagé dans la restauration hors domicile (RHD), mais là encore la marche est grande puisque 76% des œufs utilisés étaient issus d’élevages en batterie en 2022 [4]. Pour faire avancer la RHD sur le sujet, il ne faut pas hésiter à demander le code des œufs utilisés aux restaurateurs !
L’information du mode d’élevage attribué aux œufs transformés dans les ovoproduits est plus difficile à trouver. Elle est soit mise en avant sur le produit, soit précisée dans la liste des ingrédients. Si l’information n’est pas affichée, ce n’est pas bon signe …
L’Association Étiquette Bien-Être Animal (dont l’OABA est membre fondateur) travaille depuis 2022 pour un étiquetage de la filière poule pondeuse. Elle espère pouvoir la déployer prochainement sur les œufs et les ovoproduits pour informer davantage le consommateur sur le niveau de bien-être des animaux, du poussin à la poule, et le guider dans ses achats.
[1] Directive n°2002/4/CE du 30 janvier 2002
[2] France AgriMer, fiche filière œuf 2024
[3] Comité National pour la Promotion de l’Œuf, les chiffres clés
[4] Syndicat National des Industriels et Professionnels de l’Œuf, 2022
Article publié dans notre Info Mag 2024-1
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