Une pratique légale en Europe

Les poussins mâles nés en filière pondeuse ne présentent pas d’intérêt dans les processus actuels d’élevage avicole : ils ne produisent pas d’œufs et ont de faibles capacités à grossir pour faire de la viande. Pour ces raisons, ils sont systématiquement éliminés à leur naissance après une étape de « sexage » visant à les séparer des femelles. Le même sort est réservé, à l’inverse, aux femelles canetons nées en filière canard à foie gras, dont le foie serait moins conforme et moins lourd que celui des mâles.

Les deux procédés autorisés de mise à mort des poussins et des canetons ont été définis par la directive européenne 93/119/CE : « utilisation d’un dispositif mécanique contenant des lames à rotation rapide ou des bosses en mousse, et l’exposition au dioxyde de carbone« .

Le seul procédé mécanique qui sera retenu en France par l’arrêté du 12 décembre 1997 était « un dispositif mécanique contenant des bosses mousses« . Ce dispositif à bosses mousses, moins traumatisant que les lames, avait été mis au point avec l’aide de l’OABA.

Ces pratiques heurtent les consommateurs-citoyens pour des questions d’éthique. Une loi votée récemment en Allemagne interdira l’abattage des poussins mâles à partir de 2022. La France prévoit également l’arrêt de ces pratiques à cette date mais n’a pas encore légiféré sur le sujet*. Rappelons que, chaque année, 50 millions de poussins sont éliminés en France et autant en Allemagne. Enfin, en Suisse, le broyage des poussins a été interdit dès le 1er janvier 2020, mais le mode d’abattage au moyen du dioxyde de carbone y reste autorisé.

Des méthodes alternatives d’élevage

Une alternative à l’élimination des poussins vivants est l’élevage des « frères des poules ». Cette pratique consiste à garder les poussins mâles nés en filière pondeuse, et à les élever pour leur chair. Elle reste peu pratiquée aujourd’hui, même si des filières commencent à voir le jour.

Une autre possibilité serait d’élever des souches dites « duales ». Il s’agit de croisements entre des souches pondeuses et des souches de chair. Les femelles sont élevées pour la ponte et les mâles pour leur chair. Ces souches sont notamment élevées dans les filières biologiques allemandes.

Le sexage des œufs

Des méthodes s’intéressent aussi à la détection du sexe du poussin dans l’œuf, permettant d’écarter les œufs contenant des poussins mâles avant l’éclosion. Deux techniques sont utilisées aujourd’hui :

  • La spectrophotométrie : au 13e jour de l’œuf, une caméra analyse les premières plumes de l’embryon, dont la couleur diffère selon le sexe. Les œufs contenant des futurs mâles sont marqués, écartés puis détruits avant d’éclore. Les œufs contenant des futures femelles éclosent et donneront des poules pondeuses.
  • L’endocrinologie : au 9e jour de l’œuf, la coquille de l’œuf est perforée grâce à un laser. Un prélèvement de sérum est réalisé puis mis au contact de réactifs spécifiques. L’analyse permet d’identifier des hormones mâles ou femelles. Les œufs mâles sont alors retirés du couvoir et détruits, tandis que les femelles y restent jusqu’à éclosion.

Pour la première fois en France, une technique de sexage in ovo par spectrophotométrie est utilisée depuis décembre 2019 dans un couvoir approvisionnant Carrefour pour ses œufs Filière Qualité Carrefour. Elle est faite en partenariat avec les Fermiers de Loué et le groupe AAT, spécialiste mondial de l’accouvage. D’autres acteurs comme la start-up poulehouse ou la société Cocorette utilisent la technique de sexage in ovo par endocrinologie.

En collaboration avec d’autres ONG, l’OABA continue à travailler avec les filières et le Ministère de l’agriculture via le CNOPSAV afin de développer des méthodes permettant à terme de mettre fin à l’élimination des poussins.

* Mise à jour (19/07/21) :

* Mise à jour (08/02/22) :

Le décret tant attendu est enfin paru : « Décret n° 2022-137 du 5 février 2022 relatif à l’interdiction de mise à mort des poussins des lignées de l’espèce Gallus gallus destinées à la production d’œufs de consommation et à la protection des animaux dans le cadre de leur mise à mort en dehors des établissements d’abattage ».

Il interdit « la mise à mort des poussins des lignées de l’espèce Gallus gallus destinées à la production d’œufs de consommation issus de couvoirs ». Cela signifie donc la fin du broyage des poussins vivants mâles, dans la filière pondeuse. [Lire le communiqué du ministère de l’Agriculture]

La mise en place de matériels permettant de déterminer le sexe de l’embryon doit se faire au plus tard le quinzième jour d’incubation.

Les couvoirs en fonctionnement disposent d’un délai allant jusqu’au 31 décembre 2022 pour mettre en place les moyens adaptés pour l’interdiction prévue.

L’OABA salue cette avancée mais regrette la mention du 15e jour d’incubation. À ce stade, les embryons peuvent déjà percevoir la douleur…

Par ailleurs, le décret oublie le cas des millions de canetons femelles éliminées dans le cadre des filières foie gras et canards à viande…

Un texte rédigé sans l’avis de l’OABA, et manquant d’ambition, une fois de plus !