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[ABATTAGE] Révision de la législation bien-être animal en UE : Lettre ouverte des associations de protection animale à Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture

 

Monsieur le Ministre,

Au cours du second semestre 2023, la Commission européenne doit proposer une nouvelle législation en matière de bien-être animal et de protection des animaux issue de sa nouvelle stratégie « de la ferme à la table ».

Dans le cadre de cette révision, vous avez convié les représentants des différentes filières, divers organismes professionnels et des associations de protection animale pour une concertation ayant pour objectif de « déterminer les points de convergence entre les parties prenantes » et de « promouvoir les expériences et les spécificités françaises auprès des acteurs européens ».

Le vendredi 10 mars, les participants ont été reçus rue de Varenne pour l’ouverture de ces concertations. La présentation de ces dernières a été particulièrement décevante car vous avez choisi d’écarter la thématique de la protection animale lors de l’abattage au motif que ces réunions ne peuvent pas couvrir toutes les thématiques et qu’il faut travailler sur les sujets faisant consensus.

Les ONG signataires de la présente lettre regrettent ce choix du ministère de l’Agriculture d’écarter des discussions la protection des animaux en abattoirs.

La Commission européenne a en effet décidé d’aborder plusieurs points dans le cadre de cette révision : l’élevage, notamment en mettant fin à l’utilisation de cages afin de répondre à l’Initiative Citoyenne Européenne « End the Cage Age » qui a recueilli 1,4 million de signatures dans les 28 Etats membres, mais également le transport et l’abattage des animaux.

En écartant d’emblée la thématique de l’abattage des concertations, alors que 2,7 millions d’animaux sont abattus par jour, le ministère de l’Agriculture empêche la tenue de discussions qui pourraient justement permettre de dégager un consensus. Dans cet objectif, plusieurs sujets méritent d’être abordés :

–          L’utilisation par la France, de paramètres électriques contraires au règlement 1099/2009 de l’Union Européenne dans l’abattage de volailles ayant pour effet d’électrifier des volailles sans les étourdir efficacement, pour ensuite les égorger. Cette pratique a été validée par l’instruction technique du 23 novembre 2020 portant sur les contrôles officiels relatifs à la protection animale en établissement d’abattage de volailles au moment de leur mise à mort alors que deux rapports de l’Union Européenne (9 novembre 2015 et 3 décembre 2021) critiquent cette méthode d’abattage.

–          La vidéosurveillance en abattoir, pourtant voulue par 91% des Français(1). Comme l’Espagne qui a généralisé la vidéosurveillance dans ses abattoirs depuis août 2022 et conformément aux conclusions du rapport du CGAAER de juin 2021 indiquant que le “dispositif de contrôle par vidéo s’avère très positif et il convient d’en encourager la généralisation”, nous vous demandons d’encourager la généralisation de la vidéosurveillance, pour les postes de saignée et mise à mort, auprès de la Commission européenne.

–          La suppression de l’autorisation de gazage des poussins. Par arrêté du 7 novembre dernier, vous avez pérennisé le gazage des poussins utilisés pour l’alimentation animale et issus de poules blanches, sans limite de temps ni de volume. Cette pérennisation n’est pas justifiée car il existe aujourd’hui des techniques économiquement viables permettant de déterminer le sexe des embryons dans l’œuf avant l’éclosion. De même, la réglementation actuelle ne permet pas de protéger les canetons femelles de la filière foie gras qui continuent d’être broyés par millions. Nous vous demandons de proposer et soutenir une interdiction, sans exception, de l’élimination des poussins et canetons dans le cadre de cette révision de la réglementation européenne bien-être animal.

–          L’abattage des poissons. Le règlement sur l’abattage exclut les poissons de son champ d’application, à l’exception d’une seule disposition exigeant que les animaux soient épargnés de souffrances inutiles. Il est important que ce sujet soit traité au niveau européen.

Ces sujets méritent l’ouverture d’une concertation spécifique et nous espérons que vous saurez revenir sur votre décision contraire aux intérêts des animaux. Soyez toutefois assuré que nos ONG participeront aux quatre groupes de travail(2) mis en place durant ces deux prochains mois. Elles feront en sorte d’éviter un manque d’ambition global de la France quant aux propositions qui seront portées devant la Commission européenne.

Nous vous remercions de l’attention que vous ne manquerez pas de porter à nos suggestions et vous prions d’agréer, Monsieur le ministre, l’expression de notre haute considération.

Signataires :

Manuel MERSCH, Président de l’OABA (Œuvre d’Assistance aux Bêtes d’Abattoirs)

Reha HUTIN, Présidente de la Fondation 30 Millions d’Amis

Christophe MARIE, Directeur adjoint de la Fondation Brigitte Bardot

Louis SCHWEITZER, Président de la Fondation Droit Animal, Ethique et Sciences (LFDA)

Yvan SAVY, Directeur de CIWF France

Ghislain ZUCCOLO, Directeur général de Welfarm

(1)Sondage fondation 30 Millions d’Amis/ IFOP – Février 2023 “Les Français et le bien-être des animaux” Vague 6
(2)Formation au bien-être animal, valorisation des compétences / Bien-être des animaux lors de leur élevage / Accompagnement et valorisation de la transition / Protection des animaux lors de leur transport

Contact presse : Jimmy Gouédard j.gouedard@oaba.fr 01 43 79 46 46

Mise à jour (10/05/23) :

Suite à notre lettre ouverte au ministre de l’Agriculture Marc Fesneau, les ONG signataires ont obtenu une réunion le 5 mai dernier au sein du ministère, non pas avec le ministre mais avec Hadrien Jaquet, vétérinaire et Conseiller filières animales, santé et bien-être animal. Il a annoncé que l’abattage fera l’objet de discussions, mais sous une forme qui reste à définir (concertations, propositions individuelles ?…)

Un revirement de situation dont nous nous réjouissons et qui permettra à l’OABA de présenter ses demandes sur le volet abattage (vidéosurveillance, formation des opérateurs, méthodes d’étourdissement, …). En espérant néanmoins que les modalités de ces discussions seront suffisamment satisfaisantes.

La question reste : le ministère peut-il et surtout veut-il faire avancer la condition animale ?

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