En 2019, la Flandre puis la Wallonie ont pris des mesures visant à interdire l’abattage sans étourdissement. Ces mesures, motivées par des considérations de protection animale, ont immédiatement été critiquées par les représentants des deux communautés religieuses concernées.

La Cour constitutionnelle belge a été saisie afin de faire annuler cette interdiction de l’abattage sans étourdissement au motif qu’elle violerait la liberté de culte. Consciente des enjeux posés par cette question, en termes de droits fondamentaux et de protection animale, la haute juridiction belge a décidé d’adresser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).

Protection animale VS liberté de culte

Les conclusions de l’avocat général de la CJUE ont été publiées le 10 septembre 2020 et ont fait couler beaucoup d’encre. Elles estimaient que l’article 26 du règlement 1099/2009, qui permet à un Etat membre d’adopter des règles nationales plus strictes que celles contenues dans le règlement, ne pouvait conduire à une interdiction de l’abattage sans étourdissement.

Dans un article publié par la Semaine Vétérinaire (n° 1871, 16 octobre 2020), l’OABA indiquait ne pas partager cet avis et rappelait que les conclusions de l’avocat général ne demeurent qu’une opinion qui peut ne pas être suivie par la Cour de justice de l’union européenne. Ce fut le cas pour le recours de l’OABA dans l’affaire bio/halal.

Et c’est de nouveau le cas dans cette « affaire belge » !

Dans son arrêt rendu le 17 décembre 2020, la CJUE indique clairement qu’il est possible pour un Etat membre d’assurer un juste équilibre entre l’importance attachée au bien-être animal et la liberté pour les croyants juifs et musulmans de manifester leur religion en choisissant, dans le cadre de l’abattage rituel, d’imposer une technique d’étourdissement réversible qui ne cause pas la mort de l’animal.

Pour une insensibilisation préalable des animaux

Pour rappel :  « Un consensus scientifique s’est formé quant au fait que l’étourdissement préalable constitue le moyen optimal pour réduire la souffrance de l’animal au moment de sa mise à mort. »

Compte tenu des techniques d’étourdissement actuellement disponibles, seule l’électronarcose (utilisée pour les ovins, caprins et chez les volailles et lapins) est concernée. Les recherches et les essais se poursuivent pour l’étourdissement électrique des bovins adultes. Les procédés électriques utilisés chez les veaux à l’étranger (Australie, Nouvelle-Zélande) donnent déjà satisfaction.

Il reste donc à nos abattoirs à développer ces techniques d’insensibilisation des animaux pour que leur mise à mort soit la moins douloureuse possible.

Un problème avant tout politique

Encore faut-il que l’Etat français impose cet étourdissement réversible des animaux dans le cadre des abattages rituels. Techniquement et juridiquement, cela est faisable.

Politiquement, c’est une autre histoire…

Rappelons que l’OABA avait saisi le Conseil d’Etat afin que le Gouvernement impose un étourdissement réversible dans le cadre des abattages rituels, sous réserve d’une validation technique des pratiques. Dans son arrêt du 4 octobre 2019, la plus haute juridiction française a rejeté la demande de l’OABA, précisant que l’article 26 du règlement européen permettait mais n’imposait pas à un Etat membre de renforcer la protection animale lors de l’abattage.

En d’autres termes juridiques, le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation peut (et non doit) faire progresser la protection animale lors de l’abattage.

Ce faisant, la vraie question est donc : s’il peut, le veut-il ?