Pour rappel, les mâles sont jugés inutiles dans la filière de production d’œufs puisqu’ils ne pondent pas. Ne présentant pas d’intérêt économique pour les professionnels, les poussins mâles ont pendant longtemps été éliminés, généralement broyés, juste après leur éclosion. En France, jusqu’au 1er janvier 2023, environ 50 millions de poussins mâles étaient éliminés chaque année.
« Ce sont 10 millions d’euros que l’Etat Français investit aux côtés de la filière pour que, dès l’année prochaine, nous puissions faire de l’année 2022 l’année de la fin du broyage et du gazage des poussins », voilà ce qu’annonçait le 19 janvier 2021 l’ancien ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie.
Dans cette optique, un décret publié en février 2022 prévoyait une interdiction de mise à mort des poussins de la filière poule pondeuse.
Pour autant, un arrêté publié le 8 décembre dernier prévoyait une dérogation permettant aux industriels de continuer d’éliminer, par gazage, des milliers de poussins mâles de poules blanches et de poules rustiques car « la technologie n’est pas fonctionnelle » selon Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire.
Il existe pourtant trois techniques commercialisées en France permettant de déterminer le sexe des embryons dans l’oeuf avant leur éclosion :
- La première technique se base sur la détermination de la couleur des plumes de l’embryon à 13 jours. Les mâles ont leurs premières plumes de couleur blanche alors que celles des femelles sont brunes. Cette technique, aussi appelée ovosexage par spectrométrie, n’est pas fonctionnelle sur les œufs de poules blanches et rustiques car les premières plumes des embryons mâles et femelles de ces souches sont de même couleur.
- La deuxième technique implique de faire un petit trou dans la coquille de l’œuf et de réaliser une analyse hormonale pour déterminer le sexe de l’embryon à 9 jours. Cette technique est parfaitement fonctionnelle sur toutes les souches de poules pondeuses.
- La troisième technique est fondée sur l’imagerie à résonnance médicale (IRM). Cette technique non invasive permet le sexage des embryons à partir du 12ème jour. Elle est opérationnelle sur toutes les souches de poules pondeuses.
Ces dernières prouvent que l’affirmation du ministre n’est pas correcte. La dérogation accordée par le gouvernement se base en réalité essentiellement sur des considérations économiques.
En effet, les deux dernières techniques sont plus coûteuses et/ou moins rentables car les cadences (nombre d’œufs analysés par heure) sont réduites comparées à la première. Pourtant la 2e technique a été choisie par le plus grand couvoir de poules pondeuses d’Europe, aux Pays-Bas.Les trois techniques présentées ont d’ores et déjà été déployées dans les 5 plus grands couvoirs en France qui fournissent 90% des poussins de poules pondeuses destinés à la production d’œufs français.
L’Allemagne, elle, ne s’est pas posé la question de l’impact économique puisqu’elle interdit, depuis le 1 janvier 2022, l’élimination des poussins mâles toutes souches de poules pondeuses confondues.
Que deviennent les œufs contenant des embryons mâles ?
Une fois les œufs contenant des embryons mâles identifiés, ils sont écartés des incubateurs qui simulent la couvaison des œufs par la poule. Les embryons sont mis à mort par le froid, le gaz ou par action mécanique puis sont valorisés dans le petfood (alimentation des animaux de compagnie).
Si la communauté scientifique est unanime pour affirmer que les embryons de poules perçoivent la douleur au 14ème jour de développement, certaines études indiquent une zone d’incertitude quant à la perception de la douleur par l’embryon entre le 7ème et le 14ème jour. De ce fait, il est possible que l’embryon mâle perçoive de la douleur au moment où il est éliminé.
Pour pallier cette problématique éthique, certains couvoirs ont installé un dispositif permettant de rendre inconscient, via un courant électrique, les embryons avant qu’ils ne soient éliminés. L’OABA se réjouit de voir ces dispositions volontairement mises en place par ces couvoirs.
Selon les chiffres fournis par les professionnels de la filière, 15% des poussins continueraient d’être éliminés à leur éclosion. Cependant, le gouvernement n’est aujourd’hui pas capable de confirmer ce chiffre et n’envisage pas de le plafonner. De même, cette dérogation n’est pas limitée dans le temps puisqu’aucune date butoir n’est mentionnée dans l’arrêté, malgré les 10 millions d’euros investis par l’Etat français sur cette problématique.
Le gazage des poussins réellement mieux que le broyage ?
Les couvoirs fournissant des poussins de poules blanches bénéficient de la dérogation accordée par le gouvernement qui leur permet d ‘éliminer les poussins mâles à l’éclosion en les gazant.
Si visuellement parlant cette méthode de mise à mort semble moins choquante que le broyage des poussins vivants, elle n’en reste pas moins douloureuse. En effet, les poussins d’un jour sont très résistants à la privation d’oxygène. Il est donc “nécessaire“ d’exposer les poussins à des mélanges gazeux avec très peu d’oxygène résiduel pendant un temps considérable pour s’assurer que le poussin est mort et pas seulement inconscient. Or, les mélanges gazeux autorisés par la réglementation, en particulier le CO2 dont l’usage est majoritaire, entrainent l’expression de comportements aversifs par les poussins (mouvements de tête, respiration haletante) illustrant la douleur perçue pendant de longues secondes par ces poussins…
L’OABA rappelle que la réglementation ne permet pas de protéger les canetons femelles de la filière foie gras qui continuent d’être broyés par milliers.
L’OABA dénonce le manque d’ambition de la France puisqu’elle autorise l’élimination de millions de poussins, contrairement aux engagements initiaux pris par le gouvernement.
Nous demandons au gouvernement français de proposer et soutenir une interdiction, sans exception, de l’élimination des poussins et canetons en vue de la révision de la réglementation européenne bien-être animal prévue pour la fin d’année 2023.
Article mis à jour le 5 avril 2023
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