Au premier trimestre, nous nous demandions si 2023 serait une année charnière pour le bien-être animal en Europe.

L’Union européenne avait annoncé la publication de propositions visant à améliorer l’élevage, le transport et l’abattage des animaux de ferme ainsi que l’information du consommateur.

Huit mois après, retour sur une année pleine de déception.

Une concertation nationale

Afin d’aider la Commission européenne à faire ses propositions, le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire a organisé entre le 10 mars et le 23 juin des échanges réunissant professionnels de l’élevage, vétérinaires et ONG de protection animale dont l’OABA. Lors de ces huit réunions, où les ONG de protection animale étaient sous-représentées, nous avons assisté à une remise en cause systématique des rapports scientifiques sur le bien-être animal et à une consciente minimisation des enjeux du bien-être animal de la part des professionnels de l’élevage. Là où la science indique clairement que l’écornage ou la caudectomie sont des pratiques douloureuses pour les animaux, les rapports définitifs de ces concertations reprennent les éléments de langage de la filière en parlant de pratiques « potentiellement douloureuses ». Face à ces dénégations des professionnels de l’élevage, l’OABA et 6 autres associations de protection animale ont demandé à Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture, de jouer son rôle et de revoir à la hausse les ambitions de la France pour cette révision européenne. 

  • Facebook
  • Twitter
  • LinkedIn

Journée internationale contre les cages, 13 octobre 2023, dénonçant le silence de la Commission européenne

Dans ce contexte, l’OABA et 8 autres associations de protection animale ont été reçues par le ministre de l’Agriculture le 23 août 2023. Durant cette réunion de deux heures, Marc Fesneau a surtout brillé par ses refus : refus d’interdire l’exportation d’animaux vivants, refus d’interdire l’abattage sans étourdissement, refus de s’expliquer sur l’exclusion du thème de l’abattage des concertations menées par son ministère… Toutefois, il a quand même annoncé avoir changé d’avis sur la vidéosurveillance en abattoir pour y être désormais favorable et s’est montré attentif au sujet de l’abattage des femelles gestantes. Sur l’élevage, le ministre a annoncé allouer une enveloppe de 500 000 € par an pour sortir les lapins des cages.  Cette mesure est loin d’être suffisante et s’apparente davantage à un effet d’annonce car la filière a déjà avancé de son côté en ce sens.  N’oublions pas les millions d’autres animaux (veaux, truies, volailles) encore en cage aujourd’hui.

Des hésitations européennes

Le 19 octobre dernier, la Commission européenne publiait un nouveau sondage sur l’attente des Européens sur le bien-être des animaux [1]. Sans surprise, 84% des Européens estiment que le bien-être des animaux d’élevage devrait être mieux protégé, 83% souhaitent que la durée du transport soit limitée et 88% estiment qu’il est important d’améliorer les conditions d’abattage (92% pour les Français). Face à de telles attentes, difficile de voir la Commission européenne rétropédaler sur ses annonces…

  • Facebook
  • Twitter
  • LinkedIn

Pourtant, lors de son discours sur l’état de l’Union européenne détaillant les grands dossiers des prochains mois, Ursula von der Leyen, Présidente de la Commission européenne n’a pas mentionné une seule fois la révision de la législation sur le bien-être animal alors que la Commission s’était engagée à présenter ses propositions en fin d’année 2023 [2].  À cela, il faut ajouter que le programme de travail de l’année 2024 ne prévoit pas de session de la Commission européenne sur le bien-être des animaux d’élevage. Est-ce à dire que ces textes ne verront jamais le jour ?

Le doute est permis. Si les signaux officiels ne sont pas rassurants quant à la volonté de la Commission d’aller de l’avant sur le bien-être des animaux d’élevage, plusieurs points nous laissent penser que le projet n’est pas pour autant abandonné. Premièrement, malgré le discours sur l’état de l’Union et la publication du programme de travail, la Commission européenne a publié l’eurobaromètre. Pourquoi publier un sondage aussi révélateur si la Commission ne souhaite pas avancer sur le sujet ? De même, toutes les propositions de règlementations n’ont pas été mises en pause puisque la proposition de règlementation sur le transport vient d’être publiée, montrant dès lors que la Commission continue à travailler sur ce sujet en interne.

 

[1] Attitudes of Europeans towards animal welfare (eurobaromètre)

[2] Discours sur l’état de l’Union 2023 de la Présidente von der Leyen

Partager :